Que ton aliment soit ton médicament

En hommage au Dr David Servan-Schreiber, un grand scientifique, ouvert et rigoureux, mais aussi un homme formidable, plein d’amour et d’humanisme, et comme une piqûre de rappel adressée à tous, voici une liste d’« ingrédients magiques » à apprendre par cœur, celle des aliments anticancer à mettre régulièrement dans votre assiette.

Il n’y a pas de hasard dans la vie ! J’ai fait mes études à la faculté Necker, à Paris, en même temps que David Servan-Schreiber. Lui est parti faire sa spécialité au Canada puis aux États-Unis et moi j’ai terminé ma médecine à Paris. Vingt ans plus tard, nos chemins se sont croisés à nouveau quand il est revenu en France et j’ai eu le plaisir de travailler avec lui pendant quelques années. La nutrition et le cancer étaient au centre de nos échanges. C’est grâce à David que j’ai découvert les livres du Dr Richard Béliveau qui est probablement le plus grand spécialiste canadien des liens entre cancer et alimentation.

De ces rencontres, je vous propose ici une petite compilation des principaux aliments actifs pour la prévention du cancer, mais qui peuvent également être utiles en cas de cancer avéré.

 

  • Les crucifères sous toutes leurs formes (choucroute, brocoli…)

Les choux ont plusieurs propriétés. Ils sont riches en antioxydants et substances actives contre le cancer : sélénium, soufre, caroténoïdes, etc. Les brocolis sont verts, mais leur forte teneur en chlorophylle ne doit pas faire oublier que c’est un des légumes les plus riches en caroténoïdes.
Mais les choux apportent aussi et surtout des glucosinolates, des substances naturelles chimiquement actives qui peuvent se transformer en sulforaphane ou en indol-3-carbinol qui inactivent des substances cancérogènes. Pour résumer de façon simple, le sulforaphane déclenche la libération d’enzymes qui contribuent à débarrasser les cellules de notre corps des déchets toxiques, diminuant ainsi le risque de cancer. Le 3-indol-carbinol va, en particulier, nous aider à métaboliser nos hormones de telle sorte qu’elle soit moins susceptible de déclencher des cancers hormonodépendants.

De nombreuses études laissent penser que la consommation régulière de crucifères réduit le risque de différents cancers (prostate, côlon, poumon, sein, etc.).

Pour que la transformation des glucosinolates se fasse, il ne faut pas que les choux soient trop cuits : privilégiez la cuisson à la vapeur ou choisissez des choux crus ou de la choucroute. Les jeunes pousses de brocolis sont les plus riches en sulforaphanes.

 

  • Le thé vert

Cette boisson devenue incontournable depuis plusieurs années possède bien des vertus anticancéreuses. Le thé noir est également utile, mais moins puissant que le thé vert. En effet, les antioxydants du thé noir sont moins biodisponibles. Le thé vert apporte des antioxydants particuliers, les catéchines, qui sont 200 fois plus puissants que la vitamine E pour protéger nos cellules. Ces catéchines font partie des polyphénols dont j’ai déjà parlé dans d’autres articles. La plus connue est l’épigallocatéchine-3-gallate (EGCG). De nombreuses études montrent que les consommateurs réguliers de thé vert déclarent moins de cancer. Les avantages sont perceptibles à partir d’une tasse par jour, mais il faut entre deux et trois tasses de thé vert quotidiennes pour avoir une diminution significative du risque.

Cette épice, comme le thé vert, apporte des antioxydants parmi les plus puissants que la nature met à notre disposition. La plus connue est la curcumine, mais le curcuma ne se résume pas à cette molécule et, comme souvent, le totum de la plante est plus efficace que la seule curcumine.
Le curcuma a montré son intérêt dans la prévention du cancer, mais aussi en cas de cancer évolutif. Certains spécialistes parlent même de chimiothérapie du cancer à propos du curcuma.
En prévention, saupoudrer les plats de curcuma est efficace à partir de 1/2 cuiller à café par jour.
Parmi les nombreuses propriétés du curcuma, il est prouvé qu’il diminue la quantité de molécules cancérogène chez le fumeur.

Encore un miracle de la nature ! L’ail possède de nombreuses propriétés. Il paraît que Casanova en était grand consommateur, mais ce sont ses propriétés antibiotiques qui ont été les premières démontrées et utilisées pendant la Première Guerre mondiale. Ensuite, sa richesse en soufre a permis d’expliquer une partie de son efficacité sur la prévention du cancer. Ainsi, la présence d’ail dans les viandes grillées réduit l’effet cancérogène des molécules carbonées produites par la cuisson à haute température. Nos grands-mères avaient bien raison d’en piquer les gigots et autres rôtis !
L’ail est aussi une excellente source naturelle de sélénium, une molécule essentielle pour nos défenses antioxydantes et anticancer.
La cuisson de l’ail ne lui fait pas perdre ses propriétés alors pensez à en mettre dans tous vos plats, d’autant plus que les molécules actives de l’ail sont mieux absorbées en présence d’huile.

 

  • L’oignon

Cousin de l’ail, il apporte comme lui des composés soufrés anticancéreux. Mais l’oignon est également riche en quercétine, un antioxydant puissant qui agit comme protecteur à tous les stades de la cancérogenèse. Plusieurs études montrent que la consommation régulière d’oignon réduit le risque de la plupart des cancers digestifs, mais aussi de celui du poumon.
Usez et abusez de l’oignon dans vos recettes. Évitez de le faire griller, mais consommez-le cuit ou cru suivant vos préférences.
 

  • Les fruits rouges

Les baies rouges sont des concentrés d’antioxydants dont les bienfaits sont largement démontrés. Ils sont riches en polyphénols et en particulier en anthocyanes ainsi qu’en caroténoïdes. Ils contiennent aussi de l’acide ellagique, un polyphénol antioxydant.
Toutes ces molécules permettent de lutter contre le développement de cellules cancéreuses. Les anthocyanes vont même jusqu’à faciliter la mort des cellules cancéreuses.
Profitez de la saison des fruits rouges : fraises, framboises, mûres, myrtilles, airelles ont toutes un intérêt santé. La grenade aussi, qui a de plus un rôle spécifique sur la prostate.
 

 

  • La tomate

J’ai plusieurs fois parlé des caroténoïdes dont les propriétés antioxydantes sont bien connues. J’en profite pour rappeler qu’une étude a prouvé que la consommation de bêtacarotène augmentait le risque de cancer chez le fumeur. Cette étude a été réalisée avec du bêtacarotène seul et de synthèse. Or le bêtacarotène n’existe pas seul dans la nature. Il est toujours associé aux autres caroténoïdes. Si le bêtacarotène de synthèse augmente le risque de certains cancers, c’est l’ensemble des caroténoïdes qui ont un rôle protecteur prouvé.
La tomate est toujours citée à part, car si elle contient la plupart des caroténoïdes en petite quantité, elle est très riche en lycopène, antioxydant dont le rôle dans la prévention du cancer de la prostate a été maintes fois démontré. Le lycopène est surtout présent dans la peau de la tomate et sera toujours mieux absorbé dans un plat huileux. C’est pourquoi, on conseille de consommer régulièrement de la sauce tomate, si possible bio ou maison, pour optimiser l’apport en lycopène.

  • Le raisin et le vin

Voici un autre fruit qui pourrait être assimilé aux fruits rouges et qui, comme eux, contient des caroténoïdes et des anthocyanes. Mais le raisin contient aussi des molécules exceptionnelles : les OPC ou oligoproanthocyanidines qui sont de grands anticancéreux et une autre molécule encore plus importante pour notre santé : le resvératrol. Ces deux molécules sont surtout présentes dans la peau et les pépins du raisin. Consommer les grains de raisin entiers est donc excellent pour la santé, mais l’aliment le plus concentré en OPC et resvératrol est sans aucun doute le vin rouge ! Le vin blanc n’a pas le même intérêt, car il est vinifié sans la peau et les pépins. Un verre de vin par jour est sans aucun doute une excellente habitude pour se prémunir des cancers, mais aussi les maladies cardiovasculaires.
 

  • Le gingembre

Cette épice n’est pas toujours appréciée en Occident où elle est peu utilisée. Je ne parle pas ici du gingembre confit, bien trop sucré, mais du rhizome de gingembre qu’on peut utiliser en poudre dans beaucoup de préparations. C’est une épice anti-inflammatoire et antioxydante. Elle est aussi active contre l’angiogenèse comme d’autres aliments cités plus haut. C’est-à-dire qu’elle empêche les tumeurs de développer des nouveaux vaisseaux et donc de croître. De plus, le gingembre (en tisane, en poudre ou en teinture mère) réduit les nausées, aussi bien chez la femme enceinte que pendant une chimiothérapie.
 

  • La synergie entre les aliments

Pourquoi seulement dix aliments anticancer ? Il fallait bien se donner une limite, mais il existe d’autres aliments que je n’ai pas cités : les oméga 3, le zeste d’agrumes, le cacao et la plupart des fruits et légumes, et notamment tous les simples, c’est-à-dire les herbes et aromates. Plutôt que de citer un aliment supplémentaire, je voulais insister sur un point particulier : s’il y a bien plus de dix aliments anticancer, il n’y en a pas un qui soit efficace tout seul !
Dans de nombreuses études d’observation sur des personnes consommant une grande quantité de thé vert, de curcuma ou de fruits rouges, il est évident que ces personnes ne mangent pas qu’un seul aliment. Ainsi, le curcuma est toujours associé à du poivre pour améliorer son absorption, mais aussi à d’autres épices ainsi qu’à des légumes, et souvent à un peu de vin. C’est surtout l’association de tous ces aliments santé qui potentialise l’effet du curcuma.

On cite souvent le vin comme autre exemple d’aliment bénéfique. Mais trop d’alcool augmente le risque et les détracteurs des approches naturelles laissent entendre qu’un verre de vin n’apporte pas suffisamment d’antioxydant pour donner un résultat probant. Ils n’ont pas tout à fait tort, mais qui a dit qu’on devait se limiter au vin ? Un verre de vin par jour ne suffit probablement pas à changer diamétralement votre risque de maladies, mais si on y associe deux tasses de thé vert, deux carrés de chocolat noir, des épices dans nos plats et des baies rouges dans les desserts, alors je peux vous assurer que votre consommation en polyphénols devient très importante et certainement efficace en termes de santé.

Au-delà des propriétés particulières de tel ou tel aliment, il fallait surtout savoir les associer, les alterner et avoir donc une alimentation diversifiée, riche en saveurs et en couleurs.


En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Principes de santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé