Protelos : début de la fin ?

Débouté par le Conseil d’État dans ses requêtes pour un meilleur remboursement de son Protelos, médicament prescrit en cas d’ostéoporose, Servier n’en finit pas de scandaliser le public et d’embarrasser les institutions…

Dans un arrêt d’octobre 2013, le Conseil d’État a débouté de leur requête les laboratoires Servier qui avaient saisi en première instance le tribunal des affaires de sécurité sociale contre leur décision d’abaisser de 60 % à 35 % le taux de remboursement de son Protelos. Ce dernier est toujours prescrit pour traiter l’ostéoporose. Tout comme il est toujours sous surveillance renforcée, et ce depuis 2007. En cause, ses effets secondaires (accidents thrombo-emboliques veineux, réactions cutanées allergiques graves – DRESS) que le groupe a délibérément masqué pour obtenir son autorisation de mise sur le marché.

L’affaire avait été révélée par Libération en 2011. À la demande de l’Agence européenne du médicament (EMA), l’Agence française du médicament (AFSSAPS à l’époque, devenue ANSM) a planché sur un rapport d’inspection du système de pharmacovigilance de Servier. Le document pointait huit « écarts majeurs » et deux « écarts critiques », c’est-à-dire « violations » et « violations graves » de la réglementation, dont certaines « affectant de façon négative la sécurité ou le bien-être des patients ou posant un risque potentiel pour la santé publique ». Les faits sont si graves que l’EMA s’était réservé le droit de saisir la justice, chose faite à l’époque par l’AFSSAPS, qui avait transmis le rapport aux juges d’instruction enquêtant sur le Mediator. Pendant ce temps, Servier démentait tout en bloc et saisissait les juridictions idoines pour obtenir un remboursement incitant à la consommation de son médicament. Imperturbable, Jacques Servier montrait là l’étendue de sa mauvaise foi et le peu de cas fait aux malades face aux enjeux économiques.


Malaise à l’ANSM

Aujourd’hui, rien ne va mieux. Non seulement le Protelos est toujours suspecté des effets secondaires graves déjà cités, mais de plus des données récentes mettent en évidence une augmentation sensible des infarctus du myocarde, justifiant le réexamen du Protelos au niveau européen. C’est la Suède, pays rapporteur avec l’Autriche de l’EMA sur la question des autorisations de mise sur le marché à l’échelle européenne, qui a lancé l’alerte. Du coup, devant cette augmentation de risque d’infarctus du myocarde, l’EMA a décidé de « réduire la population » en réservant la prescription du Protelos aux cas sévères d’ostéoporose, ce qui réduit certes le nombre de personnes concernées et celui des cas potentiels d’effets secondaires, mais aucunement le risque puisque le médicament reste le même.

À l’ANSM, Sylvain Guého, chargé de la question du Protelos, a bien veillé à ne pas commenter les affaires en cours. Mais le malaise concernant le Protelos est bien palpable. « En 2011, nous avions réévalué à la baisse la balance bénéfice-risque du Protelos et saisi l’EMA qui l’avait considérée comme néanmoins positive. Pour être clair sur la situation, l’EMA a tout mis en œuvre dans le sens d’une préservation de la population et du produit. Mais là, c’en est trop pour elle. Servier a jusqu’au début 2014 pour apporter à l’EMA toutes les données lui permettant de statuer sur une nouvelle AMM de son Protelos. » Quand on rappelle que Servier a déjà usé de mensonges et même grassement payé des experts de l’ANSM, il se tait, puis glisse d’un souffle : « Dans ces cas-là, la formule consacrée c’est “sans commentaires”, non ? » Si… 

 

Éclairage sur les AMM

Les autorisations de mise sur le marché sont régies par des types de procédures à échelle nationale ou européenne comme :

  • La procédure centralisée qui implique l’Agence européenne du médicament (EMA) et qui délivre une AMM unique (mêmes résumés des caractéristiques du produit, notice et étiquetage pour tous les pays de l’UE) et concerne les médicaments les plus innovants.
  • La procédure de reconnaissance mutuelle, indispensable dès lors que le demandeur détient une AMM dans un État membre et qu’il souhaite obtenir une AMM dans au moins un autre État membre.
  • La procédure nationale qui concerne les spécialités d’intérêt local. Par exemple, dans le cadre du lancement d’un générique, la France a toute la responsabilité de l’AMM.

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