Mal de dos : si vous pensiez à la méthode Mézières ?

Et si le mal de dos était devenu le mal du siècle parce que l’on ne prend pas en compte le corps dans son ensemble ? Et l’histoire de chacun ! Plusieurs approches se proposent d’aller au-delà du simple traitement de la colonne vertébrale. Parmi elles, une méthode presque ancienne : la méthode Mézières. Qui est valable pour d’autres indications…

L’histoire commence dès la fin des années 1950. Françoise Mézières, kinésithérapeute depuis des années, observe l’effet singulier d’étirements sur l’une de ses patientes bossue. Ici une amélioration, là une nouvelle douleur : en travaillant sur des épaules, voilà un creux lombaire qui s’accentue ; en tentant de réparer ce creux, voilà la nuque qui souffre… Elle s’étonne, appelle une consœur à ses côtés pour observer à son tour le phénomène. Et, finalement, osera réviser ce qu’on lui a appris en kinésithérapie, assumant sa petite révolution.

« En constatant que les muscles du corps s’entrecroisent comme les maillons d’une seule et même chaîne, elle a lancé le concept des chaînes musculaires », témoigne Jacques Patté, président d’honneur de l‘AMIK*. Ainsi, toute partie du corps est en relation avec le reste de la personne de par la solidarité des muscles. Lesquels ont une influence sur le squelette qui ne se meut pas de façon mécanique. « Il y a le cerveau qui commande les muscles, qui eux-mêmes influent sur les os ; c’est un système global action-réaction à connaître afin d’éviter de déplacer voire d’amplifier des problèmes ! » ajoute ce thérapeute qui a connu la fondatrice de la méthode et aussi écrit sur elle. « Dans l’observation permanente, elle avait un regard acéré. Mais c’était une sorte de Martienne dans ces années 1960 où les masseurs kiné commençaient à peine à être vraiment reconnus, alors que l’on imaginait qu’avec l’électrothérapie, on pouvait recevoir plusieurs patients à la fois ! »


Le dos a bon dos

À partir de ce constat majeur sur l’interdépendance des chaînes musculaires, cette passionnée d’anatomie, de physiologie et de gymnastique médicale mettra au point sa méthode iconoclaste.


Premier point, ne pas se laisser leurrer par ce que dit le patient


« Le mal n’est jamais où il se manifeste », répétait-elle à la grande surprise de ses collègues kiné de l’époque. Ce que Jacques Patté confirme à sa façon : « Je me suis amusé à dire “Le dos a bon dos” car, en réalité, il ne souffre pas forcément comme on le croit ! En effet, le corps n’a qu’une idée, éviter la souffrance. Il y a sans cesse un jeu d’adaptation et de compensation inconsciente, ce qui engendre des habitudes de postures néfastes. Or un simple geste sollicite toute une famille musculaire. Mais, pour diverses raisons, d’ordre traumatique, psycho-comportemental ou émotionnel, ces muscles vont subir des excès de tension et de raccourcissement répétés. La statique est perturbée, le mouvement limité. On observe des tassements, des déformations et des douleurs qui ont souvent une cause lointaine dans le temps et dans le corps. » Ainsi, un mal de tête peut avoir pour origine un mal de dos, et inversement. Ainsi, une entorse mal soignée peut entraîner une réaction en chaîne : une marche asymétrique, la bascule du bassin et, pour finir, un mal de dos.


Second point, ne pas renforcer les muscles du dos mais travailler leur élasticité

Contrairement aux kinésithérapeutes classiques qui estiment souvent que les douleurs sont en grande partie dues à la faiblesse des muscles dorsaux qu’il faut donc développer, Françoise Mézières estimera au contraire qu’il ne faut pas les renforcer. Car cela aurait pour effet de les raccourcir. Il faut plutôt combattre leur raideur par des étirements adaptés, de manière à leur rendre longueur, souplesse et tonicité naturelles. « Mais ce n’est pas étirer pour étirer, le travail est subtil, complexe », répétait la pionnière qui mettra en place une formation complémentaire de deux ans à l’intention des kinés soucieux de partager sa vision nouvelle.


Troisième point, travailler avec la respiration

Le diaphragme est en effet au centre de l’une des quatre chaînes essentielles (lire encadré ci-dessous), la chaîne dite antéro-intérieure, et les mouvements respiratoires ont des effets sur toute la dynamique du corps via la cage thoracique et la colonne. Or le diaphragme, en lien avec tout le neurovégétatif, réagit à l’émotionnel.


Dernier point et non des moindres ; « Faire du sur-mesure ! » insiste l’ancien président de l’Association méziériste. Chaque patient est différent, et jamais on n’utilisera a priori les mêmes exercices sur deux douleurs comparables sans avoir vérifié quelle chaîne musculaire est affectée et comment !… D’où une relation très personnalisée entre thérapeute et client.


Tests avant étirements

Une première séance avec un Méziériste commencera donc par une anamnèse singulière : récit des antécédents, maladies, accidents, mais aussi palpation et surtout analyse de la morphologie via des tests multiples. Dont le test simple du « pencher en avant » qui éclaire sur la chaîne postérieure qui va du dessous du pied à l’occiput. Elle est essentielle puisqu’elle est celle des vertébrés et assure la position debout à l’humain. « Toute personne en bonne santé, à tout âge, pourrait mettre les doigts par terre. Mais selon son histoire physique, traumatique, voire psychologique, on se rétracte ou se détend plus facilement. On observe comment les gens trichent, en reculant les fesses ou le tibia par exemple », note-t-il en souriant. D’autres tests seront effectués ; élévation des membres inférieurs, mise en tension, respiration, etc., avant que soient opérés de premiers étirements musculaires adaptés à chaque cas. Et la respiration sera sollicitée, « Ventre, thorax, clavicules, rien n’est plus important qu’une respiration totale vraiment libre. »


À la différence des kinésithérapeutes classiques, aucun appareil ne sera utilisé. Les Méziéristes travaillent avec leurs mains, souvent directement au sol, voire utilisent des tables plus larges permettant des positions favorables à un étirement des chaînes musculaires. Le thérapeute peut être amené à travailler sur des amplitudes au niveau d’une articulation et chercher à restaurer l’ensemble des courbures de la colonne vertébrale. Les séances sont assez longues, de 45 minutes à 1 heure. Mais le corps ne lâchant pas si facilement ses vieilles stratégies, il faut souvent une petite série sur quelques mois, à raison d’une par semaine au début. Bref, un travail complexe de rééducation posturale assorti d’une condition : la coopération active du patient, tant pendant qu’entre les séances ! Ce que Mézières a d’abord appelé le « senti » avant que ses élèves n’inventent la notion de proprioception (lire encadré p. 18). Reste que cette exigence pourrait aussi se combiner à une véritable politique de santé préventive. « Car sans attendre d’aller mal, d’avoir dû faire un scanner ou une radio, on pourrait proposer nos séances comme des “bilans”, et ainsi détecter d’éventuels réflexes compensatoires qui, à la longue, pourraient donner des maux divers », se prend à rêver l’ancien président de l‘AMIK. Désolé et conscient toutefois que « cette vraie approche du préventif n’est pas dans l’air du temps ». Même si quelques mutuelles reconnaissent les bienfaits d’un véritable équilibre, plutôt que celui bricolé par compensation posturale… 

Pour en savoir plus

  • Association méziériste internationale de kinésithérapie (AMIK), 76 rue du Docteur-Albert-Barraud, 33000 Bordeaux. 05 56 79 17 19.
  • « La méthode Mézières, une approche globale du corps », par Jacques Patté. Éd. Chiron, 2010.

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